Interview de Béatrice Bottet

À l’occasion de la sortie de son roman intitulé Le secret de la Dame en rouge (La chronique), Béatrice Bottet a accepté de répondre à quelques questions. Merci à elle !

Pouvez-vous nous présenter votre ouvrage Le secret de la Dame en rouge ?
Le secret de la Dame en rouge est un roman un peu dans ma veine habituelle : une histoire à cadre historique et contexte comportant une part d’étrange ou de fantastique. En l’occurrence, je raconte ici l’histoire de Violette, dix-huit ans au début du roman, qui s’est enfuie de sa famille et va connaître une étrange réussite dans le domaine du paranormal. En effet, elle possède un étrange don de voyance : elle peut voir le passé et l’avenir dans une coupe d’eau. La voilà devenue « la » devineresse à la mode dans la bonne société. Nous sommes à Paris, à la Belle Epoque, juste avant 1900. Mais la réussite de Violette se paie lourdement : son succès a un prix, qu’elle doit rembourser jusqu’au dernier sou à une femme qui est à la fois sa protectrice et son esclavagiste, madame Bouteloup. Violette trouvera-t-elle enfin l’indépendance à laquelle elle aspire ? Et l’amour dans tout cela ? Car il y a un autre personnage important ici, Florimond Valence, journaliste plutôt non conformiste, occasionnellement auxiliaire malgré lui d’un commissaire de police. Or Paris, cette année-là, est endeuillée par des crimes affreux, des femmes retrouvées mortes, à qui on a enlevé le cerveau…

Pourquoi avez-vous voulu développer cette intrigue ?
Malgré moi, je me trouve embarquée par mes personnages, souvent des jeunes femmes mal à l’aise dans leur époque, luttant avec leurs armes contre leurs conditions de vie ou leur destin tout tracé : le mariage bien tranquille avec un homme choisi par les parents. Mes héroïnes ont toutes une petite tendance à se demander : « Et moi, pourquoi n’aurais-je pas comme les garçons la liberté de mes choix de vie ? » Elles s’en étonnent et se retrouvent un peu malgré elles dans un bras de fer avec la société, qui ne leur fait pas de cadeaux, pour parvenir à leurs fins, et toujours en croisant l’amour en chemin.

L’époque 1900 n’est pas facile pour les pauvres gens, en dépit de son surnom de Belle Epoque et de merveilleux progrès techniques qui changent également la vie quotidienne. C’est l’époque de la tour Eiffel, des premières représentations de cinéma, la voiture c’est pour bientôt, l’électricité s’impose, le téléphone aussi, etc. Sans doute ai-je une vision pas trop noire du contexte historique, et ai-je tendance à favoriser les aspects pittoresques de la vie à l’époque, ici la mode des devins et du paranormal, mais aussi la presse à sensation, les petits spectacles genre cirque ou autre, etc, et la vie de personnages indépendants, plus libres que la plupart des travailleurs, mais non dépourvus de problèmes à régler.

Donc « pourquoi cela ? Pourquoi cette intrigue ? », à dire vrai, je ne sais pas trop. Quand j’ai une idée de départ, je la laisse se développer toute seule et on voit bien où cela va me mener… Si l’histoire prend de la consistance, tout va bien et je continue. Pour l’histoire de Violette, ça a marché… Enfin, j’espère.

Pensez-vous qu’il y aura une suite ? Peut-être avez-vous d’autres projets en ce moment ?
Oui, un tome 2 est prévu, mais il faut me laisser le temps de l’écrire…

Vous êtes professeur de Lettres et d’Histoire, comment êtes-vous arrivée à l’écriture ?
Rectification, j’ai été professeur de Lettres et d’Histoire, cette partie de ma vie est désormais derrière moi. Je ne suis pas « arrivée » à l’écriture, j’ai l’impression que j’ai écrit… depuis que je sais lire et écrire. Mon imagination romanesque a été très active depuis mon enfance, autant que je puisse me rappeler. En tout cas, en 6ème, j’avais déjà des cahiers dans lesquels j’écrivais des débuts de romans. Et j’en avais des tas, toujours dans des contextes historiques, j’y étais déjà très sensible. Je noircissais du papier ! Quand j’ai été au lycée, je me suis dit qu’il était temps d’arrêter « ces gamineries » et d’être un peu sérieuse, je devais passer le bac, j’espérais faire des études, avoir un métier, fonder une famille. Tout cela s’est produit, mais mon imagination ne me laissait pas en repos. Alors, je travaillais dans l’enseignement et j’avais déjà des enfants, mais qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai acheté un gros cahier, j’ai sorti mon stylo, et je m’y suis remise ! Pour un gros roman médiéval, dont je me rends compte aujourd’hui qu’il était impubliable, mais petit à petit le métier est venu, j’ai continué à écrire. Un jour, quelqu’un m’a demandé pourquoi je n’écrivais pas pour la jeunesse. Ce n’était pas tout à fait mon truc, je préférais les romans historiques romanesques pour adultes, mais pourquoi pas ? J’ai eu quelques histoires et romans publiés, puis peu à peu mon public a changé, collégiens, lycéens, ados ou pré-ados, jeunes adultes, j’écris en gros pour ce lectorat-là, je m’y retrouve avec mes préférences de jeunesse, et j’ai la chance d’avoir été publié dans ces domaines. Je sais faire et j’aime.

Avez-vous un moment préféré dans la conception d’un livre ?
Non, pas spécialement. Peut-être avant qu’il soit écrit, alors que les scènes ou les personnages commencent seulement à se dessiner dans mon imagination, mais il n’y a pas que cela. Tant que « ça marche », que mes personnages agissent tout seuls et que je me borne à écrire ce que je « vois » dans mon cinéma intérieur (c’est toujours un cinéma intérieur…), c’est très gratifiant, et j’ai toujours des surprises, mes personnages ne font pas toujours ce que j’ai prévu pour eux… Mais je voudrais ne jamais les abandonner. Je crois que j’adorerais faire « le livre qui n’en finit pas », comme certains auteurs l’ont fait avec des sagas interminables. Mais jamais je ne me suis lancée dans un tel projet, les choses n’ont pas tourné comme cela pour moi. Ce que je ne regrette pas. Le fait de mettre le point final à un roman est aussi très gratifiant. Je me dis « ça y est, mission accomplie, je l’ai fini, celui-là », et je peux souffler, me détendre.

Quel livre auriez-vous aimé avoir écrit ?
Quand j’ai découvert l’auteure américaine Judith Merkle Riley, je me suis tout de suite trouvée en connivence d’esprit avec elle. Je ne l’ai jamais connue, et quand j’ai pensé que je pouvais lui écrire, elle avait quitté ce monde… Mais comme moi elle écrit des romans historiques où une jeune femme doit se débattre contre les préjugés de son temps, le tout discrètement mêlé de notations du domaine du fantastique. Et bien sûr, dans ses romans, l’héroïne finit par tisser des liens amoureux avec un homme idéal. Je me suis entièrement reconnue dans son état d’esprit et je relis ses romans sans jamais me lasser. Elle m’a beaucoup influencée pour Le secret de la Dame en rouge, en particulier, Violette a beaucoup de points communs avec l’héroïne de La jeune fille aux oracles, au point que je redoute que l’on me dise que l’histoire de Violette est décalquée, alors que c’est sans doute mon inconscient qui a fait ce travail de rapprochement entre ces deux héroïnes. Mais de toute façon je reconnais ce que je dois à Judith Merkle Riley, je ne manque pas de la saluer dans son au-delà et je lui souhaite une heureuse éternité. J’espère que quand j’y serai à mon tour, j’aurai l’occasion de la saluer ! Mais nous n’y sommes pas encore. (Oui, en fait je crois à cet au-delà de rencontres et d’une vie après la vie, pour le meilleur pour nous tous.)

Vous invitez 5 auteurs à votre table et tout est possible, qui sont-ils ?
Voilà une question qui me laisse perplexe. Je connais beaucoup d’auteurs jeunesse dont les spécialités se rapprochent des miennes, et quand je les rencontre dans des salons littéraires, surtout dans des salons à thème Histoire, et en particulier à Blois, nous avons toujours quantité de choses à nous dire. Alors, cinq noms, c’est trop ou trop peu, et en nommant mes amis et collègues, je ferai sans doute de la peine à d’autres (ceux que j’écarterais ou oublierais), alors bon, acceptez ici qu’il n’y ait aucun nom, mais un dîner sympa serait avec tous ces gens autour de moi, pour évoquer à bâtons rompus des faits d’histoire, des livres documentaires et les intrigues qui naissent sous nos doigts, sous nos touches d’ordinateur.

Quel livre lisez-vous au moment où vous répondez à ces questions ?
Je lis beaucoup de polars. Je viens de finir La carrière du mal, de Robert Galbraith. Je me suis aperçue après avoir acheté le premier tome de cette série que Robert Galbraith n’est autre que JK Rowling,l’auteur de Harry Potter. Je n’aime pas beaucoup Harry Potter (je trouve que le héros manque de charisme), même si je trouve que Rowling a mêlé deux très bonnes idées : le fantastique et la vie dans un collège anglais. Mais ce n’est pas très bien écrit, ou alors ça ne m’intéresse pas. Bref, ses polars sont bien meilleurs, avec un suspense insoutenable, ça m’a bien plu.

J’ai commencé tout à l’heure un autre polar, Il court il court, le furet, mais je n’ai lu qu’une quarantaine de pages, je ne peux pas encore me faire une opinion. Je viens aussi de finir un autre livre racontant une histoire vraie cette fois, un horrible cas judiciaire : l’assassinat de deux petits garçons par une meurtrière de onze ans, oui, onze. C’est quelque chose d’affreux et de pitoyable, cette pauvre petite qui ne sait pas ce qu’elle a fait, ni pourquoi elle se retrouve jugée comme si elle était adulte. Bref, une histoire à retourner les sangs. (Titre : Une si jolie petite fille, de Gitta Sereny)

Je ne sais pas d’où vient mon attirance pour les polars (peut-être depuis mes premiers Club des cinq ?), parce que c’est souvent horrible, et en plus ça ne me sert pas de modèle, je ne sais pas en écrire. Ces cas de meurtres m’intéressent pourtant, et je connais beaucoup de choses sur des meurtriers célèbres, Jack l’éventreur, Lacenaire, le vampire de Dusseldorf, d’autres encore, je ne crois pas que ce soit voyeur, c’est juste sans doute fascinant. Peut-être que cette fascination est un des points de départ de La Dame en rouge : les meurtriers n’ont pas de limites et font parfois preuve d’une terrible originalité.

Dans un ordre d’idée extrêmement différent, je viens aussi d’acheter un gros livre sur la civilisation romaine et la vie quotidienne à Rome dans l’Antiquité, SPQR, de Mary Beard, qui a très bonne presse dans les magazines historiques. J’ai lu il y a quelques mois Empire, un fabuleux voyage dans l’Empire romain avec un sesterce en poche, de Alberto Angela, qui m’a passionnée. Je venais de relire Néropolis, de Hubert de Montheillet, j’avais visité Pompei et aussi la Sicile, j’avais vu la série Rome, bref, depuis deux ans, je suis en plein dans la civilisation romaine, que je connaissais peu (je connais mieux la Grèce je crois), et je vois qu’il y a beaucoup de choses à connaître encore. Alors j’entrecoupe ces lectures historiques avec des polars, parfois deux ou trois par semaine !

J’ai toujours deux ou trois ouvrages de documentation historique sous la main, de toute façon. Ces jours-ci également, des études sur les Chevaliers de la Table ronde et la quête du Graal, pour un ouvrage à venir. En revanche, j’ai arrêté de lire des romans historiques. Soit ils ne sont pas à mon goût et ça m’énerve (fautes historiques, ou intrigue faible, ou ensemble gnangnan ou trop violent), soit ils sont bons et je suis jalouse de ne pas en faire autant ! Sauf pour ma chère Judith bien sûr, que je relis sans la moindre lassitude.

Présentation de l’éditeur :
En cette fin du XIXème siècle, on prépare à Paris l’exposition universelle, et l’inauguration de la Tour Eiffel. Violette Baudoyer se réfugie dans la capitale après avoir fui sa famille. Elle est recueillie par Madame Bouteloup, et formée à la voyance au sein de la bonne société. Florimond Valence est quant à lui journaliste aux Nouvelles du matin, et mouchardeur pour le commissaire Aristide Barjoux. Lorsque le corps d’une femme est découvert dans le quartier de Belleville, Florimond doit élucider l’affaire. C’est alors qu’il va croiser la route de Violette… Qu’a-t-elle à voir avec e meurtre ? Est-elle menacée ? Florimond peut-il l’aider ?

A partir de 13 ans.

La chronique

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5 réflexions sur “Interview de Béatrice Bottet

  1. Je me retrouve dans les mots de cette auteure.
    Beaucoup de points communs notamment dans la façon d’arriver à l’écriture et l’attirance pour les polars.
    Une interview très intéressante qui donne envie de découvrir son dernier roman !

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